Pour Ernestine

2018 Non Par Rodolphe Viémont

Voix-off du film homonyme, 2018, 24 pages. Inward.

200 exemplaires numérotés, signés.


La voix-off du documentaire Pour Ernestine , interprétée dans le film par Robinson Stévenin, est disponible en édition limitée (Inward, 2018), avec une préface de Johann Cariou.


Extrait

Certes, une peur inédite s’est installée en moi. Je crains la fatigue, la rudesse du combat qui use le courage. Mais Ernestine ne m’offre qu’un seul choix : celui de mettre en joue le mal et de condamner la défaite.
Alors… plisser les yeux au besoin, serrer les mâchoires à la rigueur, mais tenir ! Vivre, en chaque lieu, chaque seconde. Faire l’effort. Prendre goût à la Joie, évacuer les jérémiades. Et rester sourd à l’appel prétentieux du joueur d’aulos qui défie les dieux.
Il n’y a pas de justice à tout ! J’en appelle à la résilience ! Refermer la blessure, même si – je le sais et peu importe – elle ne sera jamais tout à fait propre.
Eprouver ; et respirer. En animal ? Non ! En petit enfant. Cet enfant que je n’ai jamais été et dont je veux prendre soin aujourd’hui, comme, Ernestine, je prends soin de toi.


Préface de Johann Cariou

Pour Ernestine s’inscrit comme un prolongement du précédent film de Rodolphe Viémont, Humeur Liquide. Pour Ernestine n’est pas une suite, c’est un nouveau chapitre, une autre bataille, une nouvelle eau-forte, intime et poétique.
Nés sous le signe de la bipolarité, Rodolphe et son épouse Laurence, s’interrogeaient dans Humeur Liquide sur la possibilité de vivre normalement, d’enfanter sans transmettre la maladie, et si leur désir d’enfant n’était pas le masque d’un égoïsme parental. Ils choisirent de se déposséder de l’emprise bipolaire, ils choisirent de vivre et de donner naissance à Ernestine.
Dans Pour Ernestine Rodolphe, devenu père, voit surgir de nouvelles questions car ses processus de création et la maladie étaient intrinsèquement liés. Il jouait avec ses excès, provoquant l’épisode maniaque pour stimuler son imaginaire et doper son énergie. Douloureuses exaltations. Il savait que ces extases auguraient de probables désastres.
Mais Ernestine est là, et elle exige d’autres lignes de front face aux cycles et aux états mixtes.
A la poursuite de soi, Rodolphe pourrait écrire avec Deleuze et Guattari : « Mes territoires sont hors de prise, et pas parce qu’ils sont imaginaires, au contraire, parce que je suis en train de les tracer ». (Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille Plateaux, Editions de Minuit, 1980)
Pour Ernestine est le récit d’une émancipation continuée. La maladie n’est plus le cœur du monde. Au cœur du monde c’est un sourire sous la pluie, la douce respiration d’un sommeil heureux, une petite fille qui galope après des papillons, Ernestine.


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